Le titre de Duc de Bouillon a toujours attiré les convoitises. Les monnaies ont été, de tout temps, un outil de propagande utile tant pour marquer son ascendance sur une possession (le fameux "rendez à César ce qui appartient à César" en est la meilleure illustration) que pour diffuser une information (commémoration d'une victoire, d'un événement...). 

Tour à tour, les prédécesseurs de Godefroid de Bouillon, les de La Tour d'Auvergne à Sedan et les Princes Évêques de Liège ont usé de ce stratagème à leur avantage tout en faisant, pour certains, d'immenses bénéfices.

 

L'isolement du territoire a également favorisé l'implantation de divers petits ateliers de fabrication de monnaies plus ou moins légales. Ils sont listés dans la rubrique Ateliers monétaires. Une frappe légale se fera à Cugnon le jour et sans doute une autre, illégale, la nuit. 

 

numéraires en circulation à Bouillon au fil des siècles.


l'archevêque de Reims tandis que l'église paroissiale (située au hameau de Laitte - actuel home St Charles), sise sur l'autre rive, relève des évêques de Liège.

 

Pendant les périodes mérovingiennes et carolingiennes, Bouillon est un petit bourg moins important que son voisin Paliseul. La succession de Charlemagne va entraîner un siècle de troubles à la suite duquel la famille Ardenne-Verdun sortira vainqueur. La région sera alors rattachée à la Lotharingie et de facto, à l'empire allemand. Le territoire s'étend de la Toscane en Italie à la mer du Nord.

A partir du XIème siècle, Bouillon va prendre de l'importance en fonction de l'avancement du développement du château. Il est destiné à protéger les deux gués qui permettent à l'importante route commerciale Verdun - Liège - Allemagne de franchir la Semois. Le premier document écrit authentique citant Bouillon (Bullionem) date de 988.

En 1096, Godefroy (dit de Bouillon), fils de Ide d'Ardenne et de Eustache de Boulogne, vend ses biens dont le château pour financer la première croisade. Il existe plusieurs monnaies de cette époque dont un denier de Godefroy qui aurait plus particulièrement servi à payer la solde des troupes devant partir à la croisade (Victor Tourneur, dans RBN 1931, pp 27 à 30).

Pendant la période féodale, le territoire bouillonnais garde une organisation distincte de celle des autres fiefs liégeois. La justice, le service militaire, les impôts, ... restent des prérogatives du Duché.

 

Au XVème, les de La Marck entreront à plusieurs reprises en possession de Bouillon. En 1482, Robert de La Marck prend le titre de Duc de Bouillon. Ce titre apparaît pour la première fois dans la titulature des pièces de monnaies liégeoises sur un grand mouton d'or frappé vers 1368-1369 (référence : Dgs.566). La famille gardera le titre jusqu'à son transfert aux de La Tour d'Auvergne en 1594.

 

 

En 1521, les troupes de Charles Quint prennent le château et rasent la ville. Les épisodes de guerre entre la France et les Pays-Bas espagnols durent jusqu'en 1559, date à laquelle, le duché est rendu à la principauté de Liège. Cet événement sera commémoré par la frappe d'un jeton qui est sans doute, en dehors des monnaies du XIème siècle, le premier objet numismatique bouillonnais.

De 1577 à 1643, les ducs de Bouillon, ayant perdu le duché, battront monnaies à Sedan, leur principauté voisine.

Pendant la même période, afin de mieux marquer leur souveraineté sur le Duché, les princes évêques de Liège, Ernest et Ferdinand de Bavière établiront un atelier monétaire à Bouillon. On y battra monnaie de 1611 à 1613. En 1636 et 1640, deux petites frappes de cuivres seront encore effectuées pour payer la garnison.

 

Les monnaies liégeoises ont officiellement cours depuis Godefroy de Bouillon jusqu'à la prise du duché par Louis XIV en 1676. Deux ans plus tard, Godefroy-Maurice de La Tour d'Auvergne, déjà duc de Bouillon en titre, se verra confier le duché par le roy. Une garnison française restera néanmoins au château jusqu’au 1er décembre 1815.

 

Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne battra monnaie à Bouillon en 1681 et en 1683.

 

Le duché ne rapportait que peu d'argent à son propriétaire (578 livres pour l'année fiscale 1700-1701) mais le titre de duc de Bouillon donnait à son titulaire le rang de «prince étranger en France». Ce qui le plaçait, protocolairement, immédiatement après la famille royale mais devant les grandes familles de la vieille noblesse française. Les ducs déléguèrent la gestion du duché à une assemblée autonome : la Cour Souveraine.

Depuis Godefroy-Maurice, le duché connaîtra plus d'un siècle de paix et de prospérité. Durant toute cette période, seul Charles-Godefroy visitera ses terres en 1757. Il logera en son château de Saussure (actuel collège des Frères à Carlsbourg)

 

En 1792, une éphémère République bouillonnaise existera pendant un an et demi avant le rattachement de l'ancien duché à la France. De 1815 à 1830, il sera, avec le Luxembourg, propriété personnelle du roi des Pays-Bas. Après Waterloo, les derniers ducs de Bouillon ne parviendront pas à récupérer leur ancienne propriété.

Les monnaies circulant dans l'ancien duché seront successivement françaises (franc germinal), hollandaises (gulden) et belges (franc et euro). Elles auront cours légal pendant leur période respective de validité.

 

 

L'étude des trouvailles et trésors mis à jour au fil des siècles dans nos régions montre que, bien que de nombreux ateliers monétaires aient existé dans les environs de Bouillon, les monnaies utilisées par le peuple étaient avant tout celles de leurs grands voisins : France, Allemagne et Espagne (voir DENGIS Jean-Luc : Trouvailles et Trésors monétaires en Belgique, Monéta 100 à 103, 2009 et 2010). 

exemple:   La Seigneurie de Saussure (actuellement Carlsbourg ) à été vendue en 1638 par Guillaume d'Oyembrugghe de Duras au sieur Charles-François de Miche (fils d'un bourgmestre de Liège), colonel au service de la France, pour la somme de 12.500 florins brabant. Une partie de cette somme (5.500 florins) fut empruntée "au quinzième denier" (1/15, soit 6,66 %). Le "versement" était constitué de: 320 pistoles, 488 patagons, 400 fl d'or de Son Altesse, 29 fl d'or d'Allemagne, 19 Philippes, 6 pistoles d'Italie, 7 Albertus, 8 vieux Jacobus, 4 Angélots, 14 ducats, 1 Lion d'or et 9 florins en monnaie. (Carlsbourg, autrefois Saussure de Félix Hutin 1894 - p118)